Parlons bois !
Vous l'aurez probablement remarqué si vous me suivez un peu sur les réseaux sociaux, je suis un amoureux de belle lutherie et, implicitement, des beaux bois. A mon sens, l'un ne va pas sans l'autre, et comme à chaque fois que la notion de passion entre en compte, les comportements qui en découlent peuvent paraître irrationnels aux yeux du commun des mortels.
Prenons la cuisine en exemple. Comme une grande majorité de l'humanité, j'aime la bonne cuisine, les plats merveilleux, bien présentés mais je serais bien incapable de m'extasier devant un choux pendant une heure à la manière d'un Yannick Alléno. Pourtant, j'en comprends tout à fait la démarche car je souffre du même mal face à un érable pommelé, un palissandre de Rio ou un litchi figuré. Ce qui, je l'avoue, ferait de moi un invité idéal pour un "Diner de con".
Vous l'aurez donc compris, aujourd'hui nous allons parler de bois et plus particulièrement du plus emblématique de la lutherie…
L'ébène
« Ébène » est le nom générique donné aux bois noir ou veinés de noir, durs, lourds au grain très fin et régulier produits par plusieurs espèces d'arbres de la famille des Ebenaceae appartenant au genre Diospyros. (Ci contre une guitare acoustique dont le dos, les éclisses, la touche, le chevalet, les chevilles et le placage de tête sont en ébène.)
Noir, c'est noir ?
Dans l'inconscient collectif, ce bois est réputé pour la noirceur de son âme. Cependant, l'exploitation abusive de cette essence semble vouloir mettre à mal cette belle idée reçue. Il y a encore quelques décennies, il était possible de se fournir en ébène d'un noir profond. Le plus recherché provenait d'Afrique, notamment du Gabon mais celui ci est à présent en voie d'extinction.
Face à cette pénurie, il a fallu s'orienter vers d'autres contrées pour combler la demande en bois d'ébène. C'est vers l’Indonésie, l'Inde et le Sri Lanka que ce sont tournés les importateurs pour y dénicher les ébènes de Macassar et de Ceylan. Ces essences, bien qu'arborant des caractéristiques très proches de l'ébène du Gabon, diffèrent d'un point de vue esthétique.
Ébène du Gabon
(Diospyros Crassiflora)
L'ébène du Gabon est l'archétype même de l'ébène. Son noir profond, sa grande dureté, son sublime poli et son élégante sobriété en font un des bois précieux les plus prisés des luthiers
Ébène de Ceylan
(Diospyros Ebenum)
L'ébène de Ceylan ou ébène des indes est à présent protégé par la CITES et il est quasi impossible d'en importer.
Ébène de Macassar
(Diospyros Celebica)
L'ébène de Macassar est un bois qui présente des caractéristiques similaire à l'ébène du Gabon si ce n'est qu'il arbore un magnifique veinage noir et beige tirant parfois sur le brun ou le chocolat. Ce bois peut également avoir un bel effet marbré.
Ébène du Laos
(Diospyros Embryopteris)
L'ébène du Laos également appelé ébène royal dénote par sa merveilleuse couleur crème bariolé de noir. Je trouve ce bois tout simplement magnifique.
Tout n'est pas si noir...
Dans les faits, il faut savoir que pour un arbre au cœur parfaitement noir répondant aux critères de sélection de l'industrie de la lutherie (grands fabricants et artisans luthiers réunis), les bucherons africains doivent en abattre dix qui ne seront pas exploités et juste laissés en pâture aux xylophages. Ce qui représente un gâchis monumental.
Heureusement les mœurs évoluent, du moins en ce qui concerne l'industrie de la guitare qui par force ou par raison, commence à exploiter ces grumes au cœur panaché.
Fondu au noir
C'est souvent dans les imperfections que se cache la beauté et l'ébène ne déroge pas à cet adage. Vous trouverez dans ces ébènes au noir imparfait, cette touche de caractère qui rendra votre instrument unique !